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J’ose me lancer sur ce sujet un peu ingrat, félcitations à ceux qui auront le courage de lire jusqu’au bout!

Pour l’accord du participe passé, il y a bien sûr les deux règles de base:

1. Auxiliaire ÊTRE: accord avec le sujet

Elles sont parties.

2. Auxiliaire AVOIR: accord avec le complément d’objet direct (encore faut-il l’identifier, celui-là!), mais seulement si celui-ci est placé avant le verbe

J’ai mangé des pommes.
Il les a lavés.
Les personnes que j’ai observées.

Première difficulté: repérer le complément d’objet direct.

Pour le reconnaître, la question correspondante est «qui/quoi»: J’ai mangé quoi? Il a lavé quoi? J’ai observé qui?

Il faut surtout le distinguer du complément d’objet indirect, avec lequel le participe ne s’accorde pas:

Je leur ai parlé.
La robe dont elle avait rêvé.

Pour le complément d’objet indirect, la question est plutôt «à qui / à quoi», parfois «de qui / de quoi»: J’ai parlé à qui? Elle avait rêvé de quoi?

Autre «truc» pour les distinguer: il s’agit d’un complément d’objet direct si on peut le remplacer par les pronoms le/la/les:

Il mange des pommes / Il les mange. Il gronde sa fille / Il la gronde. Il me frappe / Il le/la frappe.

En revanche, le complément d’objet indirect ne peut pas être remplacé par le/la/les; soit c’est lui/leur, soit c’est «en»…

J’ai parlé à Jean / Je lui ai parlé / Je leur ai parlé / J’en ai parlé

Voilà pour les règles de base. Mais ensuite, il y a tous les cas particuliers! En voici quelques-uns:

Les cas des verbes pronominaux

Les verbes pronominaux ou «réfléchis» s’appellent ainsi car ils s’accompagnent du pronom réfléchi «se», qui représente le sujet lui-même. Il s’agit donc d’une action que le sujet applique à lui-même («réfléchi», comme dans un miroir où on se voit soi-même).

Les verbes pronominaux utilisent l’auxiliaire ÊTRE. Alors, selon la règle vue plus haut, l’accord doit se faire avec le sujet, mais… pas toujours!

Oui, quand le sujet est en même temps le complément d’objet direct, ce qui est très fréquent:

Elle s’est lavée. (Elle a lavé qui? Elle-même, représentée par le pronom réfléchi «s’»)

Ils se sont battus. (Ils ont battu qui? Eux-mêmes; en fait, l’un l’autre)

En revanche:

Ils se sont parlé. (Ils ont parlé à qui? Ils lui ont parlé; complément d’objet indirect, pas d’accord du participe)
Elle s’est lavé les mains. Elle a lavé quoi? Les mains. Elle a lavé les mains à qui? À elle-même. Donc l’accord ne doit surtout pas se faire avec «elle» (objet indirect). L’accord devrait se faire avec «les mains», mais seulement si ce complément apparaît avant le verbe:
Elle se les est lavées.
Ils se sont téléphoné.

On voit souvent écrit: «les différents directeurs qui se sont succédés…»; eh bien non!
Car on ne peut pas dire «Il le succède», mais «Il lui succède», «Il succède à qui, donc, objet indirect, pas d’accord du participe:

Les différents directeurs qui se sont succédé ont eu le même problème.

De même:

Elle s’est juré de réussir. (juré à qui? À elle. Juré quoi? De réussir)

Ils se sont accordé une heure de repos.

De manière analogue, quand il est clair que le complément d’objet direct est un autre élément que le «se» réfléchi, il n’y a pas d’accord avec le sujet:

Ils se sont approprié ma maison. (Ils se sont approprié quoi? ma maison)

Elle s’est imaginé plein de choses.

Ils se sont concilié les faveurs du roi.

Ils se sont partagé le butin.

Mais il peut y avoir accord avec le complément d’objet direct s’il précède le verbe:

Les choses qu’elle s’est imaginées. (le complément d’objet direct est «que», qui correspond à «les choses»)

La maison qu’ils se sont partagée.

Un cas particulier: l’expression «se rendre compte». Pour celle-ci, le participe passé est toujours invariable.

Elles se sont rendu compte.

Et il y a aussi les cas de verbes réfléchis où la fonction du pronom «se» est considérée «inanalysable» (ni objet direct, ni indirect), comme dans «se taire», «s’enfuir», «se plaindre». Dans ce cas, on accorde avec le sujet:

Ils se sont enfuis.

Elles se sont tues.

Nous nous sommes plaints.

Avec quelques exceptions où le participe reste invariable

Ils se sont ri de ses projets.

Elles se sont plu dans cet endroit.

Le participe passé suivi d’un infinitif

Il s’agit d’une tournure assez fréquente: entendu jouer / laissé voir / empêché d’être engagé / vu naître / fait partir / cru être / reconnu avoir fait… Pour ce genre de cas, le moins risqué serait de ne pas faire d’accord, dans une bonne partie des cas cette solution sera «acceptable». Mais la règle est plus complexe. Si vous osez vous lancer, continuez la lecture!

La règle de base pour le participe + infinitif (règle qui, comme toujours, a ses exceptions…) donnée par le Grevisse («Le Bon usage», de Maurice Grevisse, référence pour tous les cas compliqués de la langue française) est la suivante: Le participe passé conjugué avec «avoir» et suivi d’un infinitif (avec ou sans préposition) s’accorde avec le complément d’objet direct qui précède quand l’être ou l’objet désignés par ce complément font l’action exprimée par l’infinitif. Ouf, pas évident! Voyons ça par des exemples:

Les violonistes que j’ai entendus jouer.

Le pronom «que» (représentant «les violonistes») est bien le complément d’objet direct, et il est placé avant le verbe; l’infinitif en question est «jouer»; qui fait l’action de jouer? Les violonistes. donc, le participe s’accorde.

Les coups que j’ai entendu tirer.

Ici, le complément est «que» = «les coups», mais ce ne sont pas les coups qui font l’action de «tirer»; donc le participe ne s’accorde pas.

En revanche, si on avait écrit:

Les coups que j’ai entendus sonner.

Là, l’accord doit se faire, car ce sont bien «les coups» qui font l’action de «sonner»…

Autres exemples:

Il nous a vus jouer. (c’est bien le complément d’objet direct «nous» qui fait l’action de «jouer»)

La maison qu’il nous a laissé voir. (ce n’est pas la maison qui fait l’action de «voir»)

Les employés qu’il a laissés partir. (ce sont les employés qui font l’action de «partir»)

Il nous a autorisés à jouer. / Les comédies qu’on a empêché de jouer. / Les comédiens qu’on a empêchés de jouer.

La pomme qu’il a osé manger.

La robe qu’elle a préféré mettre.

Ma fille n’est pas là, je l’ai envoyée chercher son frère. (c’est «ma fille» qui fait l’action de «chercher»)

Ma fille n’est pas rentrée, je l’ai envoyé chercher. (ce n’est pas «ma fille» qui fait l’action de «chercher»)

Vous suivez toujours? Voilà pour la règle générale participe + infintif. Mais voici des cas qui la contredisent:

Cette règle de base est parfois remise en question, et certains considèrent que le véritable complément d’objet est l’infinitif qui suit le participe, donc on ne ferait jamais d’accord. Grevisse cite pas mal d’exemples d’auteurs reconnus procédant ainsi. Ainsi, on pourrait se contenter de ne jamais faire d’accord en cas de participe + infinitif:

Il nous a autorisé à jouer. / Les comédies qu’on a empêché de jouer. / Les comédiens qu’on a empêché de jouer.

D’autre part, Grevisse mentionne certaines règles particulières, qui ne sont pas non plus absolues:

a. Le participe «fait» suivi d’un infinitif est toujours invariable car on considère qu’il fait corps avec l’infinitif.

Je les ai fait combattre. / La secrétaire que j’ai fait venir.

b. Le participe «laissé» suivi d’infinitif peut aussi être considéré de la même façon, auquel cas on ne l’accorde pas. Si on choisit cette règle, alors pour l’exemple donné plus haut, on écrira:

Les employés qu’il a laissé partir.

c. Le participe de verbes exprimant une opinion (cru, pensé, espéré…) ou une déclaration (dit, affirmé…) est invariable quand il est suivi d’un infinitif, car on considère que le complément d’objet direct est cet infinitif.

Cette femme que vous m’avez dit être un ange. / Cette maison que j’ai cru appartenir à ma famille. / Ces choses qu’il avait affirmé lui faire si plaisir. / Sa famille qu’il a espéré se montrer plus compréhensive

d. Le verbe «mener» est particulier, Grevisse recommande l’accord indépendamment de qui fait l’action:

Les vaches qu’il a menées brouter. / Les moutons qu’il a menés tondre. (même si ce ne sont pas les moutons qui font l’action de «tondre»)

e. Pour «avoir à» (dans le sens de «devoir»), on recommande de le laisser invariable:

Les coups qu’il a eu à subir. / La lettre qu’elle a eu à écrire.

f. Pour «donner à», la tendance est à faire l’accord:

Les nouvelles que je lui ai données à lire.

Vous avez lu jusqu’ici? Bravo! J’espère que vous y voyez un peu plus clair à présent. Personnellement, je n’arrive pas toujours à trancher sans reconsulter le Grevisse…